L’usage du SAAS développe une compétence-clé: l’adaptabilité
Interviews
Publié le 28/07/2016
Auteur : Christophe Castro
Dans cet article, Christine Vaufrey spécialiste de l’e-learning et des MOOCs a notamment contribué au développement des MOOCs Itypa, Impressionnisme (Réunion des Musées Nationaux - Orange), et Culture digitale (Orange) nous explique en quoi l'usage des solutions SAAS permet de développer certains compétences...
Dans le cadre de leurs usages logiciels, les entreprises tendent aujourd’hui à préférer le SAAS. Avec quelles conséquences sur le plan éducatif ?
Il est toujours difficile dans l’enseignement de gestion de suivre les évolutions rapides et constantes du milieu professionnel. Dans ces métiers de gestion, les outils numériques sont structurants, placés au cœur de la pratique : la vogue du SaaS prend donc une importance grandissante, à mesure qu’il s’impose dans les entreprises.
Avec le SaaS, des environnements très homogènes et complets sont mis à disposition des utilisateurs. Face à cette richesse fonctionnelle et à la puissance de ces outils, l’étudiant a besoin d’être guidé.
Quels sont les avantages du SAAS sur le plan éducatif ?
Le premier avantage du SaaS est d’éviter les mises à jour logicielles régulières, et donc de ne pas creuser de retard technologique entre l’établissement d’enseignement et le monde de l’entreprise.
Par ailleurs, l’environnement très complet qui caractérise le SaaS confronte les enseignants et les élèves à un travail de paramétrage, pour le conformer aux usages réels qui en seront faits.
C’est aussi un avantage puisque l’usage du SaaS développe ainsi une compétence clé – l’adaptabilité – qui a beaucoup de valeur pour l’entreprise employeuse. Elle en a tout autant pour l’étudiant, qui se trouvera en recherche d’adaptation permanente tout au long de sa vie professionnelle.
Sur le plan des inconvénients, le SaaS a besoin de débits Internet élevés, et certains établissements n’en disposent hélas pas. Heureusement, ce problème disparaît en entreprise.
Le SAAS pourrait-il ou devrait-il s’imposer dans l’enseignement ?
Il me semble que les pratiques professionnelles ont force de loi. Puisque les entreprises abandonnent les progiciels en mode on premise au profit de leur utilisation en mode SaaS, il me semble naturel de favoriser peu à peu ce mode d’appréhension du numérique. Les habitudes de travail se prenant très tôt, le risque est de transmettre des compétences en voie d’obsolescence aux étudiants et, à terme, aux entreprises employeuses. Sans parler des conséquences négatives sur l’employabilité… N’ajoutons pas de difficultés aux étudiants !
Quelle importance doit-on accorder à la maîtrise des outils numériques ?
Dans leur ensemble, les filières françaises de formation à la gestion et à ses outils numériques sont de bon niveau. Une certaine réticence des enseignants vis-à-vis des outils numériques n’est plus d’actualité. Mais on peut parfois regretter que les enseignements se réduisent à du tutoriel, c’est-à-dire à l’utilisation pas à pas d’une application progicielle. Si l’on veut donner des compétences profondes et durables aux étudiants, l’objectif devrait être de transmettre des dispositions plutôt que des dispositifs.
C’est d’autant plus important que tout outil, et les outils numériques en particulier, conditionnent l’exécution et même le sens des tâches effectuées. Sans maîtrise de l’outil, on perd une partie du sens de ce que l’on fait.
Quid de la formation ou de l’autoformation des enseignants ?
Rappelons que le contexte actuel est celui d’une société entièrement numérisée. La rencontre ou la confrontation avec des outils numériques est permanente, au domicile, au travail ou en mobilité. Il faut bien les maîtriser : or, on ne peut pas s’attendre à recevoir des formations à tout et en toutes circonstances. L’autoformation apparaît donc comme une pratique incontournable. Quant à la formation, elle prend son sens pour l’acquisition de connaissances très spécifiques.
Pour l’enseignant, la disposition d’esprit est donc de rester en veille, de se tenir au courant sous peine de se trouver déclassé. Cela ne signifie pas que l’enseignant doit être seul à faire sa propre veille : il peut ouvrir cette opportunité aux étudiants, dès qu’ils souhaitent partager leurs connaissances et leurs découvertes dans le domaine numérique. A l’enseignant de donner du sens, de jouer un rôle facilitateur dans ce partage qui profite à tous. Une dynamique d’apprentissage collectif a beaucoup d’avantages.
Comment l’enseignant peut-il organiser sa veille ?
Le moyen le plus pertinent et le moins chronophage est d’identifier des sources ou des sites de curation qui font déjà cette veille. Par exemple, le site de veille scoop.it propose de nombreux fils de veille dans les domaines de l’éducation, du numérique, de la gestion, etc. Il suffit ensuite de suivre un ou plusieurs curateurs, sur des sujets choisis. On peut également consulter Pearltrees, pour trouver ou partager des pages web intéressantes. Il n’y a donc pas besoin de chercher soi-même, dans l’immensité d’Internet, tout ce qui serait nouveau… Cette veille de l’enseignant ne saurait se cantonner à suivre l’évolution des outils numériques. L’évolution des procédures, de la création de valeur, et de l’organisation du travail présente beaucoup d’intérêt pédagogique.
Mon autre recommandation est d’intégrer un réseau professionnel, pour suivre les grandes évolutions du domaine. Quant aux revues disciplinaires, on peut regretter qu’elles soient parfois assez en retard, par rapport au web…
Pour les étudiants en gestion, quels sont les enjeux actuels ?
L’employabilité, c’est-à-dire la possibilité de décrocher un premier emploi est certes importante. Mais cette employabilité doit être ensuite conservée. Ce qui met l’accent, pendant les études sur des qualités d’autonomie, de compréhension globale, d’ouverture à la transversalité notamment.
J’attire l’attention des étudiants sur le fait qu’ils doivent absolument rester en veille sur les solutions informatiques, ne pas se contenter d’en maîtriser quelques-unes en espérant travailler plusieurs années avec. Les logiciels et applications changent très vite : l’adaptation permanente est la règle.
Comment l’étudiant et le jeune professionnel peuvent-il maintenir leur employabilité ?
Il est recommandé de suivre les formations qui aboutissent à des certifications. Cette pratique est fréquente dans le monde professionnel du numérique : de nombreux éditeurs et fabricants proposent de telles certifications, avec parfois une reconnaissance internationale. Pour l’étudiant qui est entré dans la vie professionnelle, l’idée est de devenir une personne-ressource : c’est une compétence recherchée par les entreprises, et donc très valorisable.
Les 3 conseils de Christine Vaufrey
- Placez vos étudiants dans des situations de partage de savoir, demandez-leur d’expliquer et de justifier leurs découvertes numériques.
- Intéressez vos étudiants dans des situations de partage de savoir car ils évoluent rapidement et ont un rôle pédagogique structurant.
- Restez en veille sur tous les sujets importants en identifiant quelques sources d’information référentes et bien actualisées.
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